Monisme

Dans le débat de la philosophie de l’esprit concernant le rapport ou la relation entre le corps et l’esprit, le monisme se réfère à l’idée que les phénomènes sont constitués d’une seule et unique substance. On peut repérer trois courants parmi les monistes. Le premier, connu sous le nom d’idéalisme (1), considère l’esprit comme la seule substance qui existe. Le deuxième courant, connu sous le nom de théorie du double-aspect (2), soutient l’idée que les termes mental  et physique  désignent deux aspects d’une même substance, mais considère également que cette même substance est perçue de deux façons différentes. Le dernier, connu sous le nom de matérialisme, est en faveur de l’idée que la pensée est identique au fonctionnement du cerveau et correspond aux processus neurophysiologiques qui s’y déroulent.                                                                                                                              -------------------------------------                                                 

En neuropsychanalyse, Daniel Widlöcher — pour lequel l’inconscient pense avec les mêmes neurones que les fonctions cognitives élémentaires — se situe du côté d’une pensée moniste. Plus précisément, il adhère à la théorie du double-aspect  qui tient compte de l’interférence des deux modèles, l’un issu des neurosciences et l’autre de la psychanalyse. Ainsi, un événement de l’activité de la pensée a une activité cérébrale qui lui correspond, et vice-versa, une altération cérébrale a des effets sur la pensée. Concrètement, dans cette lignée de pensée moniste, un modèle conceptuel psychanalytique devrait pouvoir se soumettre à deux principes fondamentaux, celui de l’intelligibilité et de la compatibilité. Le premier se réfère à la possibilité d’un recours à un langage neurophysiologique pour concevoir des modèles théoriques propres à la clinique psychanalytique. L’autre principe, celui de la compatibilité, suggère que certaines notions des modèles de la psychanalyse restent compatibles avec certaines avancées des neurosciences. Cependant, selon Daniel Widlöcher, il n’y a pas de loi directe entre un événement psychanalytique et un effet perceptible en neurobiologie. La possibilité d’établir une compatibilité entre les deux nécessite une série d’opérations (3) de réductionnismes — il propose trois réductionnismes — qui consistent à décomposer et disséquer des fonctions psychiques en des opérations élémentaires. Par exemple, la notion de pulsion issue de la théorisation et clinique psychanalytique peut être décrite par des schèmes d’action et de mécanismes de contrôle qui sont directement reliés à des processus neurophysiologiques. Toutefois, Daniel Widlöcher invite à la prudence contre des parallélismes hâtifs entre les deux disciplines — psychanalyse et neurosciences — et que le respect de ces deux principes — intelligibilité et compatibilité — ne vise pas à réduire les théorisations psychanalytiques aux lois élémentaires de la neurophysiologie (Widlöcher, 2009).                                                                                                                       
Mark Solms, Oliver Turnbull (2002) et Jaak Panksepp (1998, 2005) soutiennent également le monisme à double aspect. Cette position permettrait de dissoudre le problème difficile (4), car la distinction entre le Moi et le corps, les sensations subjectives et le fonctionnement cérébral apparaissent en fonction du point de vue d’observation occupé. Il resterait uniquement le problème facile qui doit s’intéresser à trouver les corrélations entre les processus cérébraux et subjectifs grâce aux données provenant des deux points de vue d’observation (Solms et Turnbull, 2002). Mark Solms et Oliver Turnbull (2002) croient pouvoir ranger également Freud parmi les monistes à double aspect, car il voyait l’esprit comme inconscient et la conscience comme la perception des processus mentaux.                                                                                                            
Bernard et Bianca Lechevalier proposent une lecture à deux voix  de la matière biologique, une mentale et l’autre neurobiologique (1998, 2002).
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1. Parmi les représentants les plus connus de cette position, il y a le philosophe anglais George Berkeley (1685-1753) et allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831).                                                                                                                                                                    
2. En philosophie, la théorie du double-aspect a été soutenue par Baruch Spinoza (1632-1677). Bertrand Russell (1870-1972) a défendu cette théorie du double-aspect en proposant la thèse du « monisme neutre » (Analyse de l’esprit, 1921). Peter F. Strawson (Les Individus, 1973) et Colin McGinn (The Problem of Consciousness, 1991) ont également défendu une variante de cette théorie.                                                                              
3. Voir : Opérateurs intermédiaires de commutation.                                                                           
4. Voir : Hard problem (The — )

Bibliographie :                                                                                                                                                       
Lechevalier B. et B. (1998), Le corps et le sens. Dialogue entre une psychanalyste et un neurologue, Paris, Delachaux & Niestlé.                                                                                            
Lechevalier B. et B. (2002), Lecture à deux voix d’une observation de maladie de Crohn, Trouble neurologique. Conflit psychique, Paris, PUF, pp. 55-72.                                                             
Panksepp J. (1998), Affective Neuroscience : The Foundations of Human and Animal Emotions, New York, Oxford University Press.                                                                                                                          
Panksepp J. (2005), Affective consciousness : Core emotional feelings in animals and humans,Consciousness and Cognition, 14, 30-80.                                                                                                    
Solms M., Turnbull O. (2002), The Brain and the Inner World, London, Karnac Books.                               
Widlöcher D. (2009), Le cerveau, aux frontières de la pratique psychanalytique, in : Georgieff N., Golse B., Ouss L. et Widlöcher D. (sous dir.), Vers une neuropsychanalyse ?, Odile Jacob, 2009.

Compléments :                                                                                                                                                    
Dualisme, Opérateurs intermédiaires de commutation, Widlöcher Daniel
 

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